3 juin 2015

Roméo & Juliette - Rendez-vous avec...

...Laurence Guillod, la grande soprano, qui interprètera pour nous le rôle de Juliette.



Figaro Si, Figaro Là : Laurence, vous serez Juliette dans le Roméo et Juliette de Gounod que nous produirons cet été. Comment abordez-vous ce rôle du point de vue dramatique et, notamment, quelle est votre conception de ce personnage mythique ? 
Laurence Guillod :  C'est un grand honneur de pouvoir incarner cette icône de l'amour parfait, de l'amour fou, qu'est Juliette. Les rôles les plus connus ne sont pas les plus faciles à jouer car chacun dans le public a son idée du personnage et ses propres attentes à son égard. On doit parfois déconstruire l'interprétation des autres pour reconstruire sa propre interprétation. 
Juliette tombe en quelques instants éperdument amoureuse, prend la décision de se marier puis celle de se suicider sans aucune hésitation. Ce qui ressort de sa personnalité est une fougue de l'adolescente qui vit chaque émotion à en étouffer, une envie folle, naïve peut-être, de vivre pleinement, une force de caractère aussi qui la pousse à des choix radicaux (presque) sans peur. Et d'un autre côté, on découvre, dans ses moments d'amour avec Roméo, une passion toute romantique, mielleuse presque!, dans laquelle elle se jette corps et âme, et qui laisse entrevoir toute la douceur qui l'habite.
Mon envie dans ce rôle sera de jouer sur ces deux aspects du caractère de Juliette et de les développer au mieux tout au long de l'opéra. Montrer surtout toute la force de décision de cette jeune femme, qui ne met pas fin à son immense amour en s'ôtant délibérément la vie, mais sait au contraire que c'est ainsi qu'elle le rend éternel.  

FSFL : Et d’un point de vue vocal pour cette partition ? 
LG : C'est une partition très bien écrite pour la soprano et donc très confortable pour ma voix. Gounod se permet des excursions dans des styles divers : un madrigal raconte la première rencontre de Roméo et Juliette dans un style d'amour courtois, puis viennent des moments vocalement virtuoses, un sermon religieux proche du style grégorien et finalement une écriture très passionnée et des récitatifs enflammés au fur et à mesure que les enjeux émotionnels croissent et se complexifient. Nous avons travaillé avec Eric Sprogis pour respecter au mieux les différentes figures de style que Gounod a intégrées à sa partition, et je crois que c'est la façon la plus fidèle d'aborder cette partition. 
D'un point de vue purement vocal, l'évolution du personnage de Juliette se retrouve dans sa musique: le premier acte est le plus aigu, le plus léger, le plus virtuose; toutes les qualités qui définissent (comme souvent à l'opéra) une femme jeune, fraîche, et insouciante. Les duos d'amour avec Roméo permettent de développer la douceur et la rondeur de la voix, dans une tessiture moyenne où sont développés de magnifiques mélismes, pour exprimer tout l'amour tendre de Juliette. La scène du poison et le duo final font appel à des couleurs vocales beaucoup plus sombres, plus dramatiques. 

FSFL : C’est la première fois que vous participerez à une tournée de Figaro si Figaro là qui est caractérisée par des spectacles sous un chapiteau de cirque itinérant. Que pensez-vous de cette option et dans quel esprit abordez-vous cette perspective ? 
LG : Je m'en réjouis énormément! J'ai eu l'occasion de rencontrer presque toute l'équipe déjà, qui compte bon nombre de fantastiques bénévoles, et j'ai été charmée par l'ambiance et l'envie commune de créer un spectacle de grande qualité en restant proche du public. 
Pour cela l'option chapiteau me semble parfaite : elle nous permettra d'évoluer au milieu des gens, qui nous entoureront et se seront donc pris dans l'histoire. J'espère aussi que cette option saura attirer, en plus des aficionados, des publics différents de ceux d'une maison d'opéra ou d'un théâtre conventionnels, pas forcément connaisseurs. 

FSFL : On dit parfois que l’opéra est un genre élitiste. Qu’en pensez-vous et que diriez-vous à quelqu’un qui n’a jamais assisté à un spectacle lyrique et que vous voudriez décider à venir ? 
LG : En ce qui concerne les enjeux émotionnels qu'offre un opéra, je ne crois pas que l'on puisse parler d'élitisme : toute musique peut parler à et toucher tout le monde. Je pense par contre que l'opéra requiert, tout comme la grande littérature, de la patience. Le rythme est souvent plus lent, le temps n'a pas la même valeur à l'opéra que dans un film ou une pièce de théâtre. Car le temps lui-même devient émotion. Il faut accepter de prendre ce temps et de plonger cœur ouvert et sans hâte dans la musique, ses subtilités et ses couleurs pour l'apprécier. 
A un niveau plus pratique, aller voir un opéra dans une grande maison, ou avec des chanteurs connus, peut coûter les yeux de la tête (surtout en Suisse!!) et j'en fais également les frais. De ce point de vue, l'opéra, ou certaines maisons d'opéras, demeurent relativement élitistes. Je salue toutefois les initiatives toujours plus fréquentes pour baisser les prix, proposer des tarifs étudiants ou des billets last minute, ainsi que les retransmissions live proposées par certains cinémas qui permettent d'assister à des représentations de grande qualité du Met ou de Covent Garden dans des conditions fantastiques. 
A quelqu'un qui n'a jamais vu d'opéra, je dirais que Figaro Si-Figaro La propose justement un spectacle de qualité, dans un cadre fort sympathique et à prix accessible : cela me semble l'endroit parfait pour une première fois!!  

FSFL : Quels sont vos projets dans les prochains mois en dehors de notre Roméo et Juliette ? 
LG : Je suis actuellement sur une production de L'Elisir d'Amore de Donizetti, dont il me reste deux représentations. Je chanterai ensuite ma première Traviata, de Verdi, lors d'un festival suisse de théâtre et musique avant de retrouver l'équipe de Figaro cet été. 
Je donnerai ensuite quelques concerts en Italie et reviendrai en Suisse pour aborder un opéra d'un style tout autre: Il ritorno d'Ulisse alla Patria de Claudio Monteverdi. 

FSFL : Merci pour votre contribution et à très bientôt sous le Chapiteau-Opéra.


 

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