16 juil. 2014

Interview - Daniel de COUDENHOVE

 

Rencontre avec Daniel de Coudenhove,
chef des choeurs

 



Figaro Si, Figaro Là : Daniel de Coudenhove, vous  êtes chargé de la direction des chœurs pour notre production des Cloches de Corneville de cet été. Pourriez-vous, en quelques mots, nous décrire en quoi consiste votre mission ?

Daniel de Coudenhove : préparer tous les passages des choeurs dans l'opéra Les Cloches de Corneville, dont les parties de sopranos et d'altos sont réalisées par un groupe d'enfants et d’adolescents de 11 à 17 ans, faisant pour l'occasion un stage de chant et théâtre, dont je suis plus spécifiquement le responsable ; ce stage de 26 jours, qu'on appelle Académie lyrique, inclut cinq représentations de l'opéra, ainsi que quatre concerts en miroir de la musique sous le Second Empire et de l'opérette romantique.


FSFL : Comment aborde-t-on musicalement un ouvrage comme Les Cloches de Corneville, un opéra-comique mais que l’on appelle généralement « opérette classique » ?

DdC : pour moi, la démarche musicale est la même, qu'il s'agisse d'un opéra-comique, d'une opérette ou d'un opéra seria. Les parties chorales des Cloches de Corneville ne sont pas plus faciles à réussir, que celles d'un Mozart ou d'un Verdi. Au contraire, souvent dans les opérettes, le côté drôle, vivace, populaire, donne lieu à une écriture chorale façon dialogue, avec des interventions brèves, rapides, éclatées: le choeur est une entité active, un personnage. J'aborde le travail choral des Cloches de Corneville avec autant de profondeur que pour une oeuvre grave, et les méthodes rigoureuses de la polyphonie ancienne, et c'est justement ce qui va faire ressortir toute la sève inventive de Planquette (le compositeur de l’ouvrage), donner structure et fermeté à la matière chorale ; après on recherchera des couleurs spécifiques selon les choix de mise en scène.


FSFL : Une des particularités de notre production de cet opéra-comique sera la participation d’un chœur d’enfants et d’adolescents. Qu’est-ce que cela apporte sur le plan artistique ?

DdC : notre Maîtrise Figaro a commencé à être façonnée en 2009, et a vu passer en tout une quarantaine d'enfants différents, qui s'alternent, s'interchangent, grandissent dedans, se passent le relais. Cette année 18 jeunes adolescents âgés en moyenne de 14 ans, jouent sur scène dans les Cloches de Corneville. La présence de ces très jeunes choristes dans nos opéras, est une de nos belles originalités. Lorsqu'on l'a connue, on ne peut plus s'en passer: ces voix cristallines  parmi les voix des solistes, donnent une superbe couleur tout autant musicale que psychologique, et puis jeunesse curieuse, émerveillement, passion toute neuve encore à vif d'où le talent n'est jamais absent et qui fait craquer les publics les plus revêches à l'art lyrique.


FSFL : Depuis plusieurs années, FSFL organise pendant tout le mois de juillet une « académie lyrique » pour des enfants. Vous êtes considéré comme l’un des meilleurs chefs de chœur pour ce type de chanteurs. Quels sont les ressorts de votre réussite ? Quels sont vos secrets ?

DdC : c'est une académie, pas seulement un stage ponctuel pour un certain opéra. Je fais toujours du travail de fond pour offrir aux enfants un avenir musical solide, quel qu'il sera, avec des bases techniques fortes et jamais de survol. On étudie avant tout « la musique », et comment se servir d'une partition (dont le système est facile et tellement bien inventé), et pas seulement juste les choeurs d'une certaine oeuvre par mémorisation-perroquet. J'apprends aux enfants pendant les trois premiers jours à devenir autonome avec leurs partitions, en faisant réellement du solfège, de l'harmonie, de la solmisation, mais toujours à l'intérieur des chants de notre programme ou des exercices de technique vocale. Ceux qui savent déjà ne s'ennuient jamais, car il y a simultanément des exigences au niveau de chacun, et ils deviennent toujours le moteur de quelqu'un. Mais le but principal de ces premières journées, est de déclencher à jamais chez chaque enfant, grâce à la beauté aimantée de notre répertoire, un amour fou de l'art des sons et du chant, qui va permettre d'affronter avec plaisir les montagnes de rigueur et de travail indispensables.


FSFL : Les productions lyriques de Figaro si, Figaro là, ont comme caractéristiques d’être montées sous un chapiteau de cirque itinérant. Que pensez-vous de cette option ?

DdC : c'est une idée géniale et unique en Europe, il ne faudra jamais l'abandonner, malgré le casse-tête logistique et financier que cela représente. Et je suis sûr que le chapiteau se prête à tous les styles, de King Arthur à Pelleas en passant par Idomeneo ou la Chauve-Souris.


FSFL : L’art lyrique est souvent considéré encore comme une forme de culture « élitiste ». Qu’en pensez-vous et à quelles conditions peut-il devenir ou redevenir populaire ? Que diriez-vous à quelqu’un que vous voudriez décider d’assister à l’une de nos représentations ?

DdC : je ne trouve pas que l'opéra soit une forme de culture élitiste. C'est un des genres artistiques les plus proches de tout être humain. Certes en France on n'en est pas encore tout à fait là, mais dans les pays gernaniques par exemple, tout le petit peuple va à l'opéra. Justement notre chapiteau, qu'on plante vraiment partout, est une invitation sérieuse, et Figaro si Figaro là me fait toujours penser à la troupe de Molière des premières années. L'opéra, même sérieux, n'est pas tellement éloigné du cirque ou des tréteaux de rue, qui sont des lieux d'art total attirant pour tous, et déclencheurs d'émotions. Notre chapiteau abrite des chefs-d'oeuvres, invite à la curiosité, et montre que le vrai divertissement culturel populaire n'est pas forcément de se gondoler en mangeant des pop-corn, mais que pleurer, rire ou s’émouvoir pendant les trois actes d’un opéra, est tout le contraire d'une mauvaise soirée. Notre chapiteau peut aussi être pour les gens un couloir vers les « vraies » maisons d'opéras.


 FSFL : Merci et à très bientôt dans notre chapiteau-opéra.


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