Rencontre avec Eric SPROGIS, directeur musical
Figaro Si, Figaro Là :
Eric Sprogis, vous êtes le directeur musical de notre production des Cloches de Corneville de cet été. En
quoi consistera votre travail ?
Eric Sprogis : Il a commencé depuis longtemps…presqu’un
an ! Après que l’œuvre fut choisie par le Conseil d’Administration de
Figaro si, Figaro là, il a fallu déterminer l’ensemble des « forces »
musicales que cette option impliquait : nature des rôles (registre vocal, profil
des personnages), composition de l’orchestre, type de chœur etc. Ensuite, avec
les autres membres du conseil artistique et sous la responsabilité du
président Patrick Bertrand, nous avons
construit la distribution, soit en faisant appel à des artistes qui avaient
déjà travaillé avec nous, soit en organisant des auditions de recrutement.
Pendant le mois de juillet, mon
travail de « conseiller musical » se transforme en chef d’orchestre
au cours des répétitions, d’abord avec les chanteurs, ensuite avec
l’orchestre…et puis avec tout le monde lors des répétitions générales et, bien
sûr, des représentations. Ce travail de direction se fait en étroite
collaboration avec Agnès Delume (metteuse en scène) afin que l’ensemble
présente la meilleure cohérence musicale, scénique, dramatique.
FSFL : Quel est
l’intérêt de représenter aujourd’hui cette œuvre qui fut créée en 1871 ?
ES : Elle fait partie du meilleur du répertoire
de l’opéra-comique ou, si l’on préfère, de l’ "opérette classique".
Sa musique est d’une grande finesse très représentative de la musique vocale
française et beaucoup de ses mélodies sont encore dans la tête de tout un
chacun…même si l’on ne sait pas toujours d’où elles sont issues ! Mais,
pour lui donner toute sa place dans la programmation culturelle d’aujourd’hui,
il faut la monter avec une très grande exigence.
FSFL : A ce propos,
avez-vous apporté des changements par rapport à l’œuvre originale ?
ES : Oui. Mais en respectant au plus près la
musique de Robert Planquette, le compositeur. Il faut en effet savoir que
celui-ci n’a pas écrit lui-même l’orchestration. Planquette a confié une
partition « chant et piano » à un autre musicien (dont le nom a été
oublié) afin qu’il réalise une version avec orchestre. La partition complète de
cette orchestration n’existe plus. Cela m’a donc intéressé de me mettre dans la
peau de ce collaborateur et d’écrire une nouvelle orchestration, comme si
c’était à moi que Planquette avait confié sa partition ! Cela me permettait en outre de réaliser une
version totalement adaptée à notre orchestre.
FSFL : Quelles options
avez-vous prises pour écrire cette nouvelle version ?
ES : Pour tenir compte du caractère très
différent de chacun des trois actes, je me suis inspiré de trois grands modèles
historiques de l’opéra. Pour le premier acte, ce sont les compositeurs
classiques (Mozart, Haydn) qui m’ont guidé. Le deuxième acte (celui du château,
des fantômes, de la manipulation…) prendra la couleur des grands opéras
français du 19ème siècle (Gounod, Massenet…). Quant au 3ème
acte, celui de la fête et des épousailles, il rendra quelques échos de la
période baroque (n’oublions pas que l’intrigue originale se situe sous le règne
de Louis XV…). Afin de caractériser ces choix, j’ai d’ailleurs composé trois
préludes originaux sur des thèmes tirés de l’ouvrage : l’ouverture du
premier acte s’inspire des ouvertures de Mozart, celui de l’acte II est un
pastiche du Prélude du Faust
de Gounod, et celui de l’acte III peut faire penser, par exemple, à la
musique de Rameau.
Les options de mise en scène
d’Agnès Delume (une troupe de comédiens-chanteurs itinérants qui monte…les Cloches de Corneville) m’ont
beaucoup aidé pour ces choix ainsi que le fait que nous jouions sous un
chapiteau de cirque.
FSFL : Et le résultat
pour le public ?
ES : Cela sonnera, je l’espère, comme une grande
fête aux multiples facettes et qui, comme dans toutes les fêtes, nous fera
vivre des moments de joie, de détente mais aussi de mystère, de tension, de
malentendus… Comme dans la vie !
FSFL : Merci et à très
bientôt dans notre chapiteau-opéra.