19 juil. 2023

Des camélias pour le 25ème anniversaire de FIGARO SI FIGARO LA !

 

Des camélias pour le 25ème anniversaire 

de FIGARO SI FIGARO LA !

Eric Sprogis, directeur musical

 

Convenances et préjugés v/s amour et don de soi… 

Je veux des sujets nouveaux, nobles, grands, variés, audacieux. Audacieux jusqu’à l’outrance, nouveaux dans la forme et se prêtant bien à la composition … je compte bien faire présenter à Venise La Dame aux camélias, elle s’intitulera peut-être La Traviata.

[Giuseppe Verdi]

C’est un Verdi totalement conquis qui vient d’assister en 1852 à une représentation de la pièce d’A. Dumas fils, La dame aux camélias, que le dramaturge français avait tiré de son propre roman éponyme.

C’est ainsi qu’en 1853 à Venise fut créée La Traviata, tel un point de jonction entre des histoires croisées, à plusieurs voix, entre la réalité et la fiction, à partir d’un thème : celui de la « courtisane » au sein de la bourgeoisie moyenne du 19ème siècle qui se constituait progressivement sur les ruines de l’aristocratie nobiliaire. Les émotions que ce mythe véhicula ne s’arrêtèrent d’ailleurs pas à cette création lyrique puisque par la suite, au fur et à mesure que La Traviata devenait un ouvrage cultissime, le ballet puis le cinéma s’en emparèrent.

D’Alphonsine à Violetta, entre fiction et réalité

Tout commença par une personnalité bien réelle : Alphonsine Duplessis.  

Née en 1824 à Nonant-le-Pin, un village de l’Orne, dans une famille extrêmement pauvre, elle doit travailler dès son plus jeune âge. À 15 ans, elle trouve une place de blanchisseuse à Paris. Un riche commerçant fait d’elle sa maîtresse et l’installe dans un appartement, ce qui ouvre sa fulgurante carrière de « femme entretenue ». Car très vite elle devient une courtisane en vue. Elle apprend à lire, écrire, jouer du piano. Elle prend le nom de Marie Duplessis et tient un salon, fréquenté par des hommes politiques et des écrivains comme Balzac et Théophile Gautier, qui louent sa culture et son esprit. 

Alexandre Dumas fils s’éprend d’elle en septembre 1844. Fils du grand écrivain, il mène une vie dissolue pour oublier l’amertume de sa « bâtardise » – il n’est reconnu par son père qu’à l’âge de 7 ans. Sa relation amoureuse passionnée avec Marie Duplessis l’apaise. Il écrira d’elle : « Elle était grande, très mince, noire de cheveux, rose et blanche de visage. Elle avait la tête petite, de longs yeux d’émail comme une Japonaise, mais vifs et fins, les lèvres du rouge des cerises, les plus belles dents du monde, on eut dit une figurine de Saxe. »

Leur relation dure jusqu’en août 1845. La jeune femme épouse en janvier 1846 à Londres le comte Edouard de Perrégaux qui lui donne son nom et son titre. Mais elle rentre seule en France pour reprendre sa vie parisienne malgré la phtisie (le nom donné à cette époque à la tuberculose). Elle meurt de cette maladie le 3 février 1847 à 23 ans dans son appartement de la Madeleine, seule et ruinée, si bien qu’elle est enterrée dans une fosse commune.

Le modèle de Marguerite Gauthier, l’héroïne de La dame aux camélias, était né pour Alexandre Dumas fils qui y mêla également des emprunts à Manon Lescaut de l’abbé Prévost.

Chez Verdi, Marguerite devint Violetta tout en poursuivant le télescopage entre réalité et fiction si l’on se réfère à la vie du compositeur avec sa compagne Giuseppina Strepponi, tous deux en butte à l'hostilité de la bourgeoisie cléricale de Busseto et à l'opposition d'Antonio Barezzi, beau-père du compositeur, comme à sa difficulté de se défaire de l'emprise de son père Carlo Verdi, souvent évoquée par ses biographes.

Marie Duplessis, inspiratrice de La Dame aux camélias et de La Traviata 

Être l’héroïne d’un roman, c’est déjà rare. Mais que dire de celle qui devint la figure centrale d’un livre, d’une pièce de théâtre, d’un opéra, d’un ballet et de plusieurs films ? C’est le destin posthume d’Alphonsine Plessis après une brève existence, achevée à l’âge de 23 ans.

Le comte de Perrégaux fit exhumer la dépouille de Marie Duplessis pour lui offrir des funérailles décentes. La vente de ses biens aurait attiré plusieurs centaines de personnes, dont Alexandre Dumas fils. Dix mois après sa mort, il écrit La Dame aux camélias en trois semaines. 

Une courtisane, Marguerite Gautier (Violetta), atteinte de phtisie, s’éprend d’Armand Duval (Alfredo), un jeune bourgeois…qui a les mêmes initiales que l’auteur ! Il la convainc d’abandonner sa vie scandaleuse pour lui. Le père d’Armand (Germont) obtient qu’elle rompe, pour protéger la réputation du jeune homme et de sa famille. Blessé par ce qu’il pense être une trahison, Armand-Alfredo n’apprend que tardivement la vérité. Il se précipite chez Marguerite-Violetta, qui n’a jamais cessé de l’aimer et meurt dans ses bras.

De la dame aux camélias à La Traviata, une réhabilitation émouvante des « courtisanes » du 19ème siècle 

Cette figure de courtisane au grand cœur qui se sacrifie par amour séduit et le roman emporte un beau succès, au point qu’il vaut à son auteur de connaître la célébrité à 24 ans et qu’il l’adapte lui-même au théâtre en 1852.


Pour Verdi, ce sera La Traviata (« la dévoyée ») sur un livret de Francesco Maria Piave dans lequel Marguerite Gautier s’appelle Violetta Valéry et Armand Duval est rebaptisé Alfredo Germont.
Le 6 mars 1853, c’est la création de La Traviata à la Fenice de Venise.


Sospiro e luce tu mia sarai (Tu seras le souffle et la lumière de ma vie )
[La Traviata, acte 3]

La Dame aux Camélias et La Traviata ont cette faculté magique de faire se rencontrer un rôle fascinant avec les interprètes qui lui donnent vie sur scène. A travers Marguerite et Violetta, des femmes hors normes prennent chair, des femmes, dont la vie, à l’image des héroïnes de Dumas fils et Verdi, se réalise dans le don de soi.

Splendeurs et misères d’une courtisane
Dumas fils livre une peinture crue et socialement engagée du demi-monde où l’argent domine. Marguerite Gauthier annonce ces personnalités féminines qui traverseront le Second Empire et la Belle Époque portant avec fierté et provocation leur statut de « demi-mondaines » aux pieds desquelles les hommes les plus puissants sont prêts à renoncer pour un moment à leur pouvoir machiste. Verdi assume également cette critique sociale de son temps, exigeant une mise en scène contemporaine, fait rare à l’opéra à l’époque.  

Marguerite-Violetta est un être à qui la maladie intime une urgence de vivre et d’accomplir sa destinée. Au 1er acte, suite à un malaise, Violetta ne se rappelle-t-elle pas à sa propre réalité, celle d’une cocotte, celle d’une condamnée : Gioire, di voluttà nei vortici perire (jouir, périr dans les tourbillons de volupté…) ?
Chez Verdi, le caractère de l’héroïne sera encore plus approfondi que chez Dumas. Le compositeur donnera une dimension plus forte aux sentiments des protagonistes. Verdi, par la musique, consent par exemple aux héros masculins une dimension plus tendre en offrant à Alfredo, précédé par son père, de revenir in extremis accompagner Violetta dans la mort. Le fils fait triompher un amour romantique, le père l’embrasse comme sa fille. Mais est-il vraiment sincère et se repent-il du bonheur qu’il a empêché ? L’opéra, dans sa scène ultime, laisse le spectateur…ou le metteur en scène, répondre à cette question.
Verdi parvient à discerner en Violetta à la fois la faiblesse tragique d’une femme télescopée par un amour socialement impossible et son universalité, sa modernité et sa transcendance. En cela, La Traviata est une œuvre sans doute plus complexe et émouvante que le roman de Dumas. 
C’est aujourd’hui avec Carmen – une autre héroïne sulfureuse – l’opéra le plus joué au monde…

La Traviata (Verdi-Dumas) dans le cadre du Festival Au fil des notes

Mercredi 2 août 2023 – 20h45 à Saint-Martin l’Ars (86)

Vendredi 4 août 2023 – 20h45 à Adriers (86)

Samedi 5 août 2023 – 20h45 à Montmorillon (86)

 

Avec Aurélie Ligerot (Violetta), Louis Zaitoun (Alfredo), Sacha Michon (Germont)

Solistes, comédiens, chœurs et ensemble instrumental de Figaro si Figaro là

Mise en scène : Thomas Malet

Direction musicale : Eric Sprogis

 

Renseignements et réservations :     

www.resonancesdegartempe.fr / 05 49 83 24 02

 

 



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