10 juil. 2015

Rencontre avec....


...Eric Sprogis, directeur musical

 La puissance de l’amour contre les haines… 


Figaro si, Figaro là : Eric, vous êtes le directeur musical de cette nouvelle production du Roméo et Juliette de Gounod. Les choses sérieuses viennent de commencer ?

Eric Sprogis : Mais c’est « sérieux » depuis le début…et également passionnant ! Les répétitions sur place à Montmorillon viennent de débuter en effet avec une équipe de solistes de grand talent et entièrement mobilisés pour faire de ces spectacles un formidable succès.

FSFL : Comme vous le sous-entendez, le travail de montage d’une telle production ne commence évidemment pas avec les premières répétitions. Quel a été et quel est votre rôle ?

ES : Dès que le conseil d’administration a fait le choix de Roméo et Juliette à la fin de l’été 2014, le premier travail a été avec Agnès Delume, la metteuse en scène, de définir une conception de cet opéra. Roméo et Juliette est, avant d’être un opéra du 19ème siècle, un mythe devenu éternel, symbole de la puissance de l’amour au-delà des conflits, des haines, des luttes qui séparent les hommes.  Il a traversé toutes les époques. Ce thème est déjà présent dans l’antiquité romaine avec par exemple Tite-Live (la Guerre des Horaces et des Curiaces dont le sujet fut repris par Corneille dans son Horace). Mais, bien entendu, ce fut Shakespeare qui inscrivit dans l’Histoire le chef-d’œuvre du théâtre qui inspira et inspire encore aujourd’hui les créateurs les plus divers, dramaturges, poètes, chorégraphes, musiciens, cinéastes.
Plus de quatre siècles nous séparent de la pièce de Shakespeare et pourtant l’émotion et le drame de ces jeunes amants sont toujours là, intacts. De même, la finesse de l’écriture et l’expressivité mélodique de Gounod continuent de nous visser à notre siège quand nous les recevons.
C’est pourquoi, très tôt, Agnès et moi avons voulu établir un lien entre le chef-d’œuvre de Shakespeare, celui du compositeur d’opéra et nos sentiments de femmes et d’hommes d’aujourd’hui. Ainsi, outre le choix d’une mise en scène « hors temps » (ou de tous les temps, si l’on préfère), des scènes parlées du grand dramaturge anglais ponctueront les différentes phases de l’intrigue. Nous renouons d’ailleurs ainsi avec la première idée de Gounod qui était d’écrire plutôt un « opéra-comique » avec des séquences de textes entre les numéros musicaux.

FSFL : Je suppose que votre travail ne s’arrête pas à l’élaboration de cette conception…

ES : En effet, même si cela est fondamental pour donner à chacune de nos productions un « caractère Figaro si Figaro là » qui nous distingue, pour le plus grand plaisir du public, de beaucoup d’autres spectacles lyriques. Il convenait donc en outre d’adapter l’orchestration à l’autre grande caractéristique de notre troupe, le jeu sous chapiteau. Impossible, en effet, de loger un orchestre de 70 musiciens dans ce cadre ! J’ai donc procédé à une transcription pour 35 instruments en restant le plus fidèle possible à l’orchestration de Gounod qui est d’une finesse et d’une transparence incroyable, très « française ».
Mon rôle fut aussi de participer avec le conseil artistique au choix des artistes solistes dans le cadre d’une audition internationale, dès le mois de novembre, en particulier pour le couple soprano-ténor. Avec Laurence Guillod (Juliette) et Antonel Boldan (Roméo) le public sera ravi et impressionné par leur talent, leur jeunesse et leur force dramatique. Ce sera pour tous une découverte dont on se souviendra.
Ensuite…je n’ai plus qu’à diriger musicalement le travail de répétition et les spectacles en parfaite compréhension avec Agnès Delume (metteur en scène), Daniel de Coudenhove (chef de chœur) et Vincent Lansiaux (chef de chant)…Un bonheur de chaque seconde !

FSFL : Votre activité artistique ne se limite pas aux productions lyriques de Figaro si, Figaro là…

ES : En effet, même si elles occupent une grande part de mes pensées…et de mon temps ! Toujours pour FSFL, j’ai aussi le plaisir, depuis cinq ans, de travailler avec Joëlle Rallet qui, outre son engagement lyrique à nos côté en qualité de soliste et de conceptrice des costumes, est conseillère pédagogique en éducation musicale à l’Education Nationale. Avec elle, nous montons chaque année un grand parcours d’éducation artistique et culturelle pour près de 1500 élèves des écoles de la Vienne. Ce travail, cette année par exemple, a débouché sur 10 spectacles « cinéchoeurs » devant plus de 5000 spectateurs !
J’assure aussi de nombreuses formations et d’accompagnements de projets dans différents conservatoires français à partir de mon expérience de près de 40 ans de direction de ce type de structure[1]…Autant qu’elle serve un peu !
Et puis je continue de composer et de diriger dans des cadres différents. En particulier, cette année, j’ai eu la chance d’être invité par l’Institut Français de Pointe-Noire (Congo) pendant plus d’un mois pour travailler avec un groupe de lycéens en compagnie de deux écrivains et d’un metteur en scène afin de créer et monter un « drame musical » entièrement conçu par les élèves, « Fofo l’enfant perdu ». Cette expérience m’a laissé un souvenir et une émotion que je ne suis pas prêt d’oublier !


FSFL : Que dire à quelqu’un qui hésiterait encore à réserver des places pour nos spectacles de Roméo et Juliette ?

ES : Nos doutes sont des traîtres et nous privent de ce que nous pourrions souvent gagner de bon parce que nous avons peur d'essayer [William Shakespeare]


[1] Eric Sprogis fut notamment directeur du Conservatoire de Poitiers de 1986 à 2007 (NDLR)


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