...Eric Sprogis, directeur musical
La puissance de l’amour contre les haines…
Figaro si,
Figaro là : Eric, vous êtes le
directeur musical de cette nouvelle production du Roméo et Juliette de Gounod.
Les choses sérieuses viennent de commencer ?
Eric Sprogis :
Mais c’est « sérieux » depuis le début…et également
passionnant ! Les répétitions sur place à Montmorillon viennent de débuter
en effet avec une équipe de solistes de grand talent et entièrement mobilisés
pour faire de ces spectacles un formidable succès.
FSFL :
Comme vous le sous-entendez, le travail
de montage d’une telle production ne commence évidemment pas avec les premières
répétitions. Quel a été et quel est votre rôle ?
ES : Dès que le conseil d’administration a fait le choix de Roméo et Juliette à la fin de l’été
2014, le premier travail a été avec Agnès Delume, la metteuse en scène, de
définir une conception de cet opéra. Roméo
et Juliette est, avant d’être un opéra du 19ème siècle, un mythe
devenu éternel, symbole de la puissance de l’amour au-delà des conflits, des
haines, des luttes qui séparent les hommes. Il a traversé toutes les époques. Ce thème est
déjà présent dans l’antiquité romaine avec par exemple Tite-Live (la Guerre des Horaces et des Curiaces
dont le sujet fut repris par Corneille dans son Horace). Mais, bien entendu, ce fut Shakespeare qui inscrivit dans
l’Histoire le chef-d’œuvre du théâtre qui inspira et inspire encore aujourd’hui
les créateurs les plus divers, dramaturges, poètes, chorégraphes, musiciens,
cinéastes.
Plus de quatre siècles nous séparent de la pièce de
Shakespeare et pourtant l’émotion et le drame de ces jeunes amants sont
toujours là, intacts. De même, la finesse de l’écriture et l’expressivité
mélodique de Gounod continuent de nous visser à notre siège quand nous les
recevons.
C’est pourquoi, très tôt, Agnès et moi avons voulu
établir un lien entre le chef-d’œuvre de Shakespeare, celui du compositeur
d’opéra et nos sentiments de femmes et d’hommes d’aujourd’hui. Ainsi, outre le
choix d’une mise en scène « hors temps » (ou de tous les temps, si
l’on préfère), des scènes parlées du grand dramaturge anglais ponctueront les
différentes phases de l’intrigue. Nous renouons d’ailleurs ainsi avec la
première idée de Gounod qui était d’écrire plutôt un
« opéra-comique » avec des séquences de textes entre les numéros
musicaux.
FSFL :
Je suppose que votre travail ne s’arrête
pas à l’élaboration de cette conception…
ES :
En effet, même si cela est fondamental pour donner à chacune de nos productions
un « caractère Figaro si Figaro là » qui nous distingue, pour le plus
grand plaisir du public, de beaucoup d’autres spectacles lyriques. Il convenait donc en outre
d’adapter l’orchestration à l’autre grande caractéristique de notre troupe, le
jeu sous chapiteau. Impossible, en effet, de loger un orchestre de 70 musiciens
dans ce cadre ! J’ai donc procédé à une transcription pour 35 instruments en
restant le plus fidèle possible à l’orchestration de Gounod qui est d’une
finesse et d’une transparence incroyable, très « française ».
Mon rôle fut aussi de participer
avec le conseil artistique au choix des artistes solistes dans le cadre d’une
audition internationale, dès le mois de novembre, en particulier pour le couple
soprano-ténor. Avec Laurence Guillod (Juliette) et Antonel Boldan (Roméo) le
public sera ravi et impressionné par leur talent, leur jeunesse et leur force
dramatique. Ce sera pour tous une découverte dont on se souviendra.
Ensuite…je n’ai plus qu’à diriger
musicalement le travail de répétition et les spectacles en parfaite
compréhension avec Agnès Delume (metteur en scène), Daniel de Coudenhove (chef
de chœur) et Vincent Lansiaux (chef de chant)…Un bonheur de chaque seconde !
FSFL : Votre activité
artistique ne se limite pas aux productions lyriques de Figaro si, Figaro là…
ES : En effet, même si elles occupent une grande part de mes
pensées…et de mon temps ! Toujours pour FSFL, j’ai
aussi le plaisir, depuis cinq ans, de travailler avec Joëlle Rallet qui, outre
son engagement lyrique à nos côté en qualité de soliste et de conceptrice des
costumes, est conseillère pédagogique en éducation musicale à l’Education
Nationale. Avec elle, nous montons chaque année un grand parcours d’éducation
artistique et culturelle pour près de 1500 élèves des écoles de la Vienne. Ce
travail, cette année par exemple, a débouché sur 10 spectacles
« cinéchoeurs » devant plus de 5000 spectateurs !
J’assure aussi de nombreuses
formations et d’accompagnements de projets dans différents conservatoires
français à partir de mon expérience de près de 40 ans de direction de ce type
de structure[1]…Autant
qu’elle serve un peu !
Et puis je continue de composer
et de diriger dans des cadres différents. En particulier, cette année, j’ai eu
la chance d’être invité par l’Institut Français de Pointe-Noire (Congo) pendant
plus d’un mois pour travailler avec un groupe de lycéens en compagnie de deux
écrivains et d’un metteur en scène afin de créer et monter un « drame musical »
entièrement conçu par les élèves, « Fofo l’enfant perdu ». Cette
expérience m’a laissé un souvenir et une émotion que je ne suis pas prêt
d’oublier !
FSFL : Que dire à
quelqu’un qui hésiterait encore à réserver des places pour nos spectacles de
Roméo et Juliette ?
ES : Nos doutes sont des
traîtres et nous privent de ce que nous pourrions souvent gagner de bon parce
que nous avons peur d'essayer [William Shakespeare]
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