11 juil. 2014

Interview - Agnès DELUME


Rencontre avec Agnès Delume, metteuse en scène 





[maquette pour la scénographie des Cloches de Corneville]



Figaro Si Figaro Là : Agnès DELUME, vous êtes comédienne, chanteuse, metteuse en scène de théâtre. Vous avez signé la mise en scène des deux précédentes productions de Figaro si, Figaro là (les Noces de Figaro en 2012 et Rigoletto en 2013) et vous dirigerez celle des Cloches de Corneville cet été. Qu’y a-t-il de spécifique à la mise en scène d’un ouvrage lyrique par rapport à celles des œuvres dramatiques ?

Agnès Delume : La première approche est la même, que pour une oeuvre dramatique, il s'agit de faire un choix d'interprétation pour le metteur en scène,  de savoir comment lire l'oeuvre, et comment on l'éclaire par son propre univers.

La spécificité de l'ouvrage lyrique, tient dans la structure théâtrale de l'oeuvre, l'écriture du livret, la conception du compositeur. Certaines musiques contiennent déjà une forte dramaturgie, d'autres proposent des climats ou des paysages, des accompagnements. Ce qui importe c'est de comprendre la spécificité de chaque oeuvre lyrique et de sa théâtralité propre, ou parfois de sa non-théâtralité.


FSFL : Les Cloches de Corneville est un opéra-comique mais que l’on considère le plus souvent comme une « opérette classique ». Quel sens cela a-t-il pour vous de monter cet ouvrage, qui connut un énorme succès populaire mais que l’on joue moins aujourd’hui ?
 
AD : Mon père qui a vu les Cloches de Corneville quand il avait 12 ans, dans les années 30, m'a raconté que ce fut son premier contact avec le théâtre. L'opérette se jouait  beaucoup  et la troupe qu'il a vue alors était un théâtre ambulant (une sorte de camion transformé en théâtre), et il m'a dit qu'il en garde un très bon souvenir, bien qu'il se soit plus tard intéressé à de la musique plus "sérieuse".

Pour ma part si j'accepte de mettre en scène une oeuvre,  c'est que j'y trouve un angle de vue pour l'aborder. La difficulté ici est qu'il y a beaucoup de références qui ne disent plus rien à personne et qu'il faut trouver la pierre angulaire pour trouver ce qui peut être intéressant dans le propos pour les gens d'aujourd'hui. A l'écoute des premières répétitions musicales, il me semble que cette opérette contient une forte vitalité, qu'elle parle de l'humain peut-être pas de façons grandiose, mais avec un certain humour. Humour et vitalité, douceur de vivre, péripéties et cidre : c'est un bon nectar  pour l'été !


FSFL : Comment avez-vous abordé cette oeuvre et à partir de quelles options avez-vous conçu sa mise en scène, notamment en tenant compte de la spécificité des productions de Figaro (chapiteau-opéra itinérant) ?

AD : Nous avons décidé de jouer l'oeuvre en la mettant en situation. Une troupe d'acteurs-chanteurs et de musiciens décident de monter Les Cloches de Corneville. Ce parti pris permet de ne pas se perdre dans les détails de l'histoire, de faire des choix plus décalés et plus humoristiques dans le traitement des rôles. Ainsi,  chaque acteur-chanteur s'amuse avec son propre personnage, des idylles ou des conflits peuvent avoir lieu entre les acteurs, qui accentuent les rapports des personnages.  L'itinérance semble tout à fait adaptée pour le choix de mise en scène. Le choix aurait pu être le même dans un théâtre en dur, mais il sera, je pense, valorisé par l'espace du chapiteau et sa fragilité apparente.


FSFL : Comment prenez-vous en compte, dans votre mise en scène et dans votre direction des acteurs-chanteurs, la dimension musicale qui est, dans ce type d’ouvrage, a priori principale ?

AD : Le théâtre lyrique est un tout. La dimension musicale est présente même dans une pièce de théâtre sans musique. Dans un opéra ou une opérette, souvent la musique est l'action. Il faut la prendre comme un langage, savoir l'écouter et trouver l'espace qui lui convient. Dans le cas des Cloches de Corneville, j'entends dans la musique à la fois un appétit de vivre et un désir de divertissement, de fête. Dans l'intérêt du spectacle,  il est important aussi que les chanteurs, le chef d'orchestre et les musiciens prennent la dimension théâtrale de la musique!


FSFL : L’art lyrique est souvent considéré encore comme une forme de culture « élitiste ». Qu’en pensez-vous et à quelles conditions peut-il devenir ou redevenir populaire ? Que diriez-vous à quelqu’un que vous voudriez décider d’assister à l’une de nos représentations ?

AD : C'est une grande question, qui touche au social. L'Art lyrique peut être considéré comme élitiste, à cause du prix des places (et c’est pourquoi, Figaro si Figaro là a prévu des tarifs réduits pour les personnes à faible revenu) et des codes que le grand public pense, souvent à tort, ne pas comprendre. Il existe toutes sortes de musiques lyriques, certaines peuvent paraître plus difficiles à aborder que d'autres, mais je crois que cela demanderait d'une part de revoir entièrement l'éducation musicale à l'école, d’apprendre à relier les oeuvres à la littérature, aux arts plastiques, et d'autre part, de faire connaître la création musicale, la composition. Par ailleurs il faudrait développer l'éclosion de troupes de théâtre lyriques avec de jeunes chanteurs, de jeunes metteurs en scènes. Cela dit, je pense que les choses évoluent tant dans la mise en scène que dans la création même ponctuelle de productions plus légères que les productions traditionnelles. 
Et pour donner envie : je crois que la légèreté de cette opérette, va permettre une mise en scène enjouée, extrêmement ludique, qui devrait être un pur divertissement.


FSFL : Merci et à très bientôt dans notre chapiteau-opéra.



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