Rencontre avec Agnès Delume, metteuse en scène
[maquette
pour la scénographie des Cloches de Corneville]
Figaro Si Figaro Là : Agnès DELUME, vous êtes comédienne, chanteuse, metteuse en scène de théâtre. Vous avez signé la mise en scène des deux précédentes productions de Figaro si, Figaro là (les Noces de Figaro en 2012 et Rigoletto en 2013) et vous dirigerez celle des Cloches de Corneville cet été. Qu’y a-t-il de spécifique à la mise en scène d’un ouvrage lyrique par rapport à celles des œuvres dramatiques ?
Agnès
Delume : La première approche est la même, que pour une oeuvre
dramatique, il s'agit de faire un choix d'interprétation pour le metteur en
scène, de savoir comment lire l'oeuvre, et comment on l'éclaire par son
propre univers.
La
spécificité de l'ouvrage lyrique, tient dans la structure théâtrale de
l'oeuvre, l'écriture du livret, la conception du compositeur. Certaines
musiques contiennent déjà une forte dramaturgie, d'autres proposent des climats
ou des paysages, des accompagnements. Ce qui importe c'est de comprendre la
spécificité de chaque oeuvre lyrique et de sa théâtralité propre, ou parfois de
sa non-théâtralité.
FSFL :
Les Cloches de Corneville est un opéra-comique mais que l’on considère
le plus souvent comme une « opérette classique ». Quel sens cela
a-t-il pour vous de monter cet ouvrage, qui connut un énorme succès populaire
mais que l’on joue moins aujourd’hui ?
AD : Mon père qui a vu les Cloches de Corneville quand il avait
12 ans, dans les années 30, m'a raconté que ce fut son premier contact avec le
théâtre. L'opérette se jouait beaucoup et la troupe qu'il a vue
alors était un théâtre ambulant (une sorte de camion transformé en théâtre), et
il m'a dit qu'il en garde un très bon souvenir, bien qu'il se soit plus tard
intéressé à de la musique plus "sérieuse".
Pour ma part
si j'accepte de mettre en scène une oeuvre, c'est que j'y trouve un angle
de vue pour l'aborder. La difficulté ici est qu'il y a beaucoup de références
qui ne disent plus rien à personne et qu'il faut trouver la pierre angulaire
pour trouver ce qui peut être intéressant dans le propos pour les gens
d'aujourd'hui. A l'écoute des premières répétitions musicales, il me semble que
cette opérette contient une forte vitalité, qu'elle parle de l'humain peut-être
pas de façons grandiose, mais avec un certain humour. Humour et vitalité,
douceur de vivre, péripéties et cidre : c'est un bon nectar pour
l'été !
FSFL : Comment avez-vous abordé
cette oeuvre et à partir de quelles options avez-vous conçu sa mise en scène,
notamment en tenant compte de la spécificité des productions de Figaro
(chapiteau-opéra itinérant) ?
AD : Nous avons décidé de jouer
l'oeuvre en la mettant en situation. Une troupe d'acteurs-chanteurs et de
musiciens décident de monter Les Cloches
de Corneville. Ce parti pris permet de ne pas se perdre dans les détails de
l'histoire, de faire des choix plus décalés et plus humoristiques dans le
traitement des rôles. Ainsi, chaque acteur-chanteur s'amuse avec son
propre personnage, des idylles ou des conflits peuvent avoir lieu entre les
acteurs, qui accentuent les rapports des personnages. L'itinérance semble
tout à fait adaptée pour le choix de mise en scène. Le choix aurait pu être le
même dans un théâtre en dur, mais il sera, je pense, valorisé par l'espace du
chapiteau et sa fragilité apparente.
FSFL : Comment prenez-vous en
compte, dans votre mise en scène et dans votre direction des acteurs-chanteurs,
la dimension musicale qui est, dans ce type d’ouvrage, a priori
principale ?
AD : Le théâtre lyrique est
un tout. La dimension musicale est présente même dans une pièce de théâtre sans
musique. Dans un opéra ou une opérette, souvent la musique est l'action. Il
faut la prendre comme un langage, savoir l'écouter et trouver l'espace qui lui
convient. Dans le cas des Cloches de
Corneville, j'entends dans la musique à la fois un appétit de vivre et un
désir de divertissement, de fête. Dans l'intérêt du spectacle, il est
important aussi que les chanteurs, le chef d'orchestre et les musiciens
prennent la dimension théâtrale de la musique!
FSFL : L’art lyrique est souvent
considéré encore comme une forme de culture « élitiste ». Qu’en
pensez-vous et à quelles conditions peut-il devenir ou redevenir
populaire ? Que diriez-vous à quelqu’un que vous voudriez décider
d’assister à l’une de nos représentations ?
AD : C'est une grande question,
qui touche au social. L'Art lyrique peut être considéré comme élitiste, à
cause du prix des places (et c’est pourquoi, Figaro si Figaro là a prévu des
tarifs réduits pour les personnes à faible revenu) et des
codes que le grand public pense, souvent à tort, ne pas comprendre. Il existe
toutes sortes de musiques lyriques, certaines peuvent paraître plus difficiles
à aborder que d'autres, mais je crois que cela demanderait d'une part de revoir
entièrement l'éducation musicale à l'école, d’apprendre à relier les
oeuvres à la littérature, aux arts plastiques, et d'autre part, de faire
connaître la création musicale, la composition. Par ailleurs il faudrait
développer l'éclosion de troupes de théâtre lyriques avec de jeunes chanteurs,
de jeunes metteurs en scènes. Cela dit, je pense que les choses évoluent tant
dans la mise en scène que dans la création même ponctuelle de productions plus
légères que les productions traditionnelles.
Et pour donner envie : je crois que la légèreté de cette opérette, va permettre une mise en scène enjouée, extrêmement ludique, qui devrait être un pur divertissement.
Et pour donner envie : je crois que la légèreté de cette opérette, va permettre une mise en scène enjouée, extrêmement ludique, qui devrait être un pur divertissement.
FSFL : Merci et à très bientôt dans
notre chapiteau-opéra.
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